Malgré la rapidité de la crise qui a débuté le 14 mars avec la fermeture de la quasi-totalité des magasins d’optique, les enseignes et centrales ont développé dans l’urgence une série de dispositifs. Objectif commun ? jouer à plein leur rôle d’amortisseur des difficultés immédiates de leurs adhérents tout en réfléchissant à l’après. Nous les avons interrogés sur cette mobilisation. Quelques-uns n’ont pas répondu à notre sollicitation, certains estimant que toute prise de parole était prématurée*.
Conseiller, soutenir, assurer le lien au quotidien
« Nous sommes tous dans un moment critique. Et cette crise révèle la personnalité de chaque société », rappelle Jean-Luc Sélignan, président d’OpticLibre. Face à l’inquiétude et l’anxiété légitime liée à l’ampleur des mesures de confinement, le premier rôle des enseignes et centrales a été de mettre en place un accompagnement en temps réel pour affronter les problématiques immédiates (sécurité des adhérents et de leurs collaborateurs, activité partielle, report d’échéances et aides de l’Etat).
Dès la première semaine, les animateurs réseaux ont été mobilisés, l’intranet activé et des hotlines juridiques mises en place pour aider les adhérents, un par un, à constituer leurs dossiers afin de bénéficier des aides d’urgence des pouvoirs publics. Un accompagnement d’autant plus essentiel pour les opticiens que les conditions d’éligibilité à ces dispositifs restent floues et leur accessibilité un parcours du combattant pour beaucoup (lire Les magasins à l’épreuve du confinement). « En première urgence, nous avons aidé nos franchisés à passer le cap de la fin mars avec un soutien logistique sur toutes les questions RH (activité partielle), aides de l’Etat, liens avec les banques et les bailleurs », détaille Marcel Cézar, directeur de la franchise Acuitis. Cette gestion de crise a permis d’accélérer l’activation de ces dispositifs : « A fin mars, 100 % de nos franchisés avaient eu recours aux demandes de chômage partiel », souligne Didier Pascual, président du groupe Afflelou.
« Nous sommes tous dans un moment critique. Et cette crise révèle la personnalité de chaque société », Jean-Luc Sélignan, président d’OpticLibre
Sur la question épineuse du report des loyers sans pénalité (lire Les magasins à l’épreuve du confinement), enseignes et centrales ont dû également jouer leur rôle de conseil. « Nous avons fait profiter de notre expertise nos adhérents, sachant que tout dépend de la situation de chacun, en leur fournissant des modèles de courrier fondés sur des arguments juridiques à adresser à leur bailleur », explique Jean-Luc Sélignan.
A ce rôle de conseil s’ajoute un suivi personnalisé des trésoreries de chaque opticien : « Les animateurs réseaux ont appelé chaque coopérateur un à un pour les aider à piloter leur trésorerie. L’enseigne assume son rôle d’amortisseur pour les magasins », révèle Yves Guénin, secrétaire général du groupe Optic 2000.
Le Groupe One a, quant à lui, fait le choix de préserver la trésorerie de ses adhérents : « Dès le début du confinement, nous avons suspendu l’ensemble de la facturation pour donner de l’air à nos opticiens. Tout en payant néanmoins tous les fournisseurs », précise Christian Rothacker, président du Groupe One.
Une mobilisation financière sans précédent
Amortir le choc et préserver les trésoreries des magasins adhérents : un bon moyen pour les enseignes et les centrales de faire la preuve de la pertinence de leur rôle. Pour les enseignes, cela passe, en premier lieu, par le report de tout ou partie de leurs cotisations et redevances : « Nous avons supprimé les échéances du 30 mars et reportées celles d’avril en juin et juillet », précise Yves Guénin. Une aide aux coopérateurs s’élevant à 2 millions € qui s’ajoutent aux 7 millions € de soutien aux trésoreries des magasins assumés par l’enseigne en janvier et février 2020 pour les aider à passer les semaines chaotiques de la mise en place du 100 % Santé. Le groupe Afflelou annonce pour sa part une mobilisation financière sous forme de garantie des prêts bancaires à hauteur de 10 millions €.
« Le système doit tenir », Eric Plat, pdg d’Atol.
Certaines enseignes sont aussi fournisseurs de leurs franchisés. C’est le cas de Direct Optic : « Nous avons stoppé tous les prélèvements à partir du 23 mars », affirme François-Xavier Jombart, directeur général de Direct Optic. De son côté, la coopérative Atol a joué la solidarité filière en assumant ses engagements vis-à-vis des fournisseurs : « Le système doit tenir », insiste Eric Plat, pdg d’Atol.
Et après ?
Car au-delà de la gestion de crise au quotidien, enseignes et centrales se projettent déjà et organisent le redémarrage. En intégrant la principale difficulté : « Nous menons notre réflexion sans savoir pour le moment quand et comment nous sortirons du confinement », analyse Marcel Cézar.
« Nous menons notre réflexion sans savoir pour le moment quand et comment nous sortirons du confinement », Marcel Cézar, directeur de la franchise Acuitis
Première étape, mettre en place des protocoles pour garantir la sécurité des opticiens et de leurs clients quand les magasins rouvriront : livraison de kits sanitaires, consignes de sécurité sanitaire pour le magasin et les produits et règles de « distanciation » nécessaire avec les clients. « C’est essentiel car la reprise ne se fera qu’avec la confiance des consommateurs », souligne Eric Plat.
Deuxième étape : élaborer différents scénarios en fonction du timing du déconfinement. Si tous les dirigeants d’enseigne s’accordent pour dire qu’il est encore trop tôt pour en parler, chacun construit un éventail de solutions propres, en fonction de son positionnement.
Troisième étape : se projeter sur les évolutions induites par la crise. « La période que nous traversons aura évidemment un impact sur les modes de consommation », déclare Eric Plat. Accélération de la digitalisation de la consommation, rebond rapide d’une consommation plaisir, appétence accrue des consommateurs pour des équipements sans aucun reste à charge dans le contexte de crise économique et de contraction du pouvoir d’achat ? Beaucoup trop d’aléas demeurent pour y répondre. Mais une chose est sûre : la reprise ne sera pas un retour à la normale, ni pour les opticiens ni pour leurs clients.
Marcel Cézar,
directeur de la franchise Acuitis
Yves Guénin,
secrétaire général du groupe Optic 2000
François-Xavier Jombart,
directeur général, Direct Optic
Didier Pascual,
pdg, groupe Afflelou
Eric Plat,
pdg, Atol les Opticiens
Christian Rothacker,
président du Groupe One
Jean-Luc Sélignan,
président d’OpticLibre
* Nous avons également contacté : Groupe All, CDO, Luz, GrandVision, Krys Group, Optique Lafayette