Avec la deuxième phase du déconfinement qui a débuté hier 2 juin, sonne l’heure de la relance de l’économie, déjà entamée depuis le 11 mai pour nombre de secteurs, dont l’optique. Alors que Bruno Le Maire a encore réévalué les prévisions de récession pour 2020 (-11% du PIB), toutes les entreprises françaises s’interrogent sur les dispositifs qui vont succéder à la « perfusion » dont elles ont, pour une grande partie, bénéficié ces 3 derniers mois. Sans surprise, elles se sont endettées à des niveaux spectaculaires pendant toute cette période. Selon les dernières données économiques de la Banque de France, leur endettement total avoisinerait les 91 milliards €. Un montant colossal qui vient se substituer aux CA non réalisés et sécuriser, autant que faire se peut, les trésoreries.
La plupart des secteurs souhaitent des grands plans de relance qui n’interviendront pas avant les 2 derniers trimestres 2020. Et dans l’attente, l’intensité de la reprise qui se dessinera en juin, juillet et août, va être décisive. Selon les dernières remontées du terrain, dans notre secteur, le niveau d’activité retrouvé est satisfaisant pour le mois de mai. Mais la baisse de votre activité est brutale depuis janvier (-36%) et vos trésoreries ont beaucoup souffert. Ce qui place l’ensemble de la filière optique dans une situation inédite. Au point que les syndicats d’opticiens réclament auprès des pouvoirs publics des mesures d’urgence pour soutenir la relance de votre activité.
Parallèlement, un collectif de fabricants (19 sociétés de l’Hexagone représentant plus de 40 marques françaises et étrangères) a signé, la dernière semaine de mai, une campagne de communication dans Le Figaro. Son message à destination du grand public est clair : la crise sanitaire révèle à quel point la France a trop longtemps négligé son industrie. Or « avoir une industrie nationale est une question de survie pour notre planète et notre économie ». Et la condition pour que les commerces et l’emploi continuent d’exister. Un constat qui conduit à interpeller les pouvoirs publics et proposer 2 mesures concrètes pour défendre les lunettes fabriquées en France : rendre obligatoire la mention du pays de fabrication sur la monture, permettre aux Ocam une hausse du plafond de remboursement à 250 € (contre 100 € depuis la mise en œuvre du 100% Santé) pour les produits « français ». Une mesure qui ne coûterait pas un euro au budget de l’Etat et permettrait de créer plus de 10 000 emplois en 5 ans, selon le collectif.
Cette initiative rencontre légitimement l’aspiration des consommateurs, renforcée avec la crise sanitaire, d’acheter « local » et en toute transparence : selon un sondage Odoxa pour Comfluence*, 89% des Français sont favorables à une consommation de produits relocalisés en France, même si cela augmente leur coût. Et 93% appellent de leurs vœux la systématisation d’un label pour identifier les produits 100% made in France… ou made in Europe. Attirer l’attention des pouvoirs publics sur les difficultés des lunetiers fabricants dans l’Hexagone doit être, de ce point de vue, salué.
Pourtant, les 2 propositions du collectif risquent bien de rester lettre morte. Selon le droit européen, pour qu’un pays intra-communautaire rende obligatoire la mention made in sur un produit, il faut un accord des pays de l’UE (Union européenne) sur un règlement spécifique. C’est, certes, déjà le cas dans le textile ou l’alimentaire. Mais les pouvoirs publics l’ont refusé lors des négociations sur le devis normalisé, où seule figure la mention UE ou hors UE.
Quant à la hausse du plafond de remboursement des montures par les Ocam à 250 €, sa faisabilité demeure très hypothétique : la logique des gouvernements depuis bientôt 6 ans, et ce bien avant la mise en place du 100% Santé, conduit au contraire à sa baisse progressive. Au-delà, une telle mesure sous-entendrait qu’il faut « subventionner » à 100% l’achat d’une monture fabriquée en France. Ne vaudrait-il pas mieux que l’ensemble de la filière, fabricants comme opticiens, fassent œuvre de pédagogie auprès des porteurs pour expliquer, en toute transparence, la valeur des produits délivrés ? Si la situation d’urgence de la filière exige des mesures fortes, il n’est pas sûr qu’une énième réglementation vienne répondre à ses besoins et à la demande des consommateurs de plus de transparence.
Marie-Dominique Gasnier, rédactrice en chef