Le rapport Igas peut-il rester lettre morte ? En dépit des espoirs qu’il a suscités en septembre dernier, aucune de ses préconisations, visant à améliorer l’accès des Français aux soins visuels, n’a été intégrée au sein du PLFSS 2021 (Projet de loi de financement de la Sécurité sociale). Et ce, malgré nombre d’amendements proposés. Réfraction, extension de la validité des ordonnances, téléconsultation en magasin… Les Français sont pourtant favorables à donner plus de prérogatives aux opticiens et orthoptistes dans la filière visuelle, selon un sondage réalisé en octobre dernier par Ipsos pour le compte du Rof (Rassemblement des opticiens de France)* .
80% des Français déclarent faire confiance aux opticiens et aux orthoptistes pour réaliser un examen de réfraction et renouveler des lunettes. Ils sont même 84% parmi les parents de plus d’un enfant qui ont été interrogés.
8 Français sur 10 ont confiance dans votre compétence en réfraction
Avez-vous confiance dans votre opticien (ou orthoptiste) pour vous faire cet examen de la vue et renouveler vos lunettes ?
Sans ambiguïté, les Français reconnaissent votre rôle de professionnel de santé au sein de la filière visuelle. Ils sont d’ailleurs favorables à 87% à votre participation à des campagnes de dépistage des troubles de la vision en milieu scolaire, comme le préconise le rapport Igas.
Pourtant 32% des Français ne savent pas qu’ils peuvent renouveler leur équipement directement chez l’opticien, sur la base d’une ordonnance valide. Cela concerne même 41% des porteurs de lunettes de moins de 42 ans. Manque d’informations ? Incontestablement. Parmi les porteurs de lunettes, 65% envisagent à l’avenir d’avoir recours à ce service.
« Potentiellement, compte tenu du décret opticiens de 2016, 4,4 millions d’équipements supplémentaires pourraient être délivrés directement chez l’opticien chaque année »
A l’heure actuelle, le nombre de renouvellements avec adaptation par les opticiens s’élève à environ 15% des équipements : selon le rapport Asterès**, les opticiens auraient délivré directement 2,3 millions d’équipements en 2019. Et potentiellement, compte tenu des 17% des patients reçus par les ophtalmologues pour une simple prescription optique, ce chiffre pourrait s’élever à 4,4 millions d’équipements supplémentaires chaque année. Une communication institutionnelle, incitative et réassurante, permettrait ainsi une augmentation du taux de passage à l’acte : 84% des sondés la jugent en tout cas utile.
Opticiens et orthoptistes plébiscités pour désengorger les salles d’attente
Parmi les préconisations principales du rapport Igas pour améliorer l’accès aux soins visuels, 3 d’entre elles emportent une franche adhésion des Français : l’adaptation des primo-prescriptions en cas d’erreur manifeste ou d’inconfort (82% de sondés favorables), la possibilité de réaliser un examen de vue hors magasin, au domicile, en Ehpad (75% favorables), l’allongement de 2 ans de la validité des ordonnances pour les 16-42 ans (69% favorables).
Allongement de la validité des ordonnances, primo-prescription : plus de 6 Français sur 10 favorables
L’Igas propose également d’autoriser, au cas où ces mesures ne suffiraient pas à faire baisser les délais de rendez-vous chez l’ophtalmologiste, la primo-prescription par les opticiens, sans passer par l’ophtalmologiste, pour les 16-42 ans avec faible correction (+-2D) : 64% des Français approuvent cette mesure. Ce qui entraînerait un changement profond de la filière.
Avec le développement de la télémédecine, il est possible de faire des téléconsultations chez l’opticien. Des phases de tests sont en cours (en audio comme en optique). Interrogés sur cette possibilité, 2/3 des Français sont prêts à ce que les prises de mesures se déroulent au sein du magasin. Parmi eux, 43% opteraient pour un examen (y compris tension oculaire, fond d’œil) réalisé par l’opticien avec consultation en direct par l’ophtalmologiste. 40% préféreraient une transmission des résultats ultérieurement à l’ophtalmologiste avec rendez-vous complémentaire si nécessaire.
Une majorité de Français apparaît donc bien favorable à ce que l’opticien soit une des portes d’entrée du parcours de soins visuels. Pour le moment, aucune décision n’a été prise par les pouvoirs publics quant aux suites à donner au rapport Igas publié en septembre dernier, crise sanitaire oblige. Il n’y a pas plus de traduction de ses recommandations au sein du PLFSS 2021. L’urgence est pourtant bien là. Dans un contexte de vieillissement de la population et de croissance forte des besoins visuels, en rester à l’organisation actuelle des soins, alors que des solutions rapides à mettre en œuvre existent, risque d’aggraver encore les difficultés d’accès aux soins et la non-prise en charge des patients.
** L’avenir de la santé visuelle : innover pour compenser le manque d’ophtalmologues, étude Asterès, avril 2020.