Bien Vu a interrogé Benoît Potterie, député de la 8e circonscription du Pas-de-Calais (groupe Agir ensemble) qui a soutenu plusieurs amendements reprenant certaines préconisations de l’Igas, lors du vote du PLFSS 2021.
Lors de la discussion du Projet de loi de financement de la Sécurité sociale, les amendements reprenant les préconisations du rapport Igas sur l’extension du rôle des opticiens au sein de la filière visuelle ont tous été rejetés. Ce dernier pourrait-il donc rester lettre morte ?
Ce rapport est une étape importante. Il conforte les demandes de la filière optique et des syndicats d’opticiens pour apporter une solution durable aux difficultés d’accès aux soins visuels, particulièrement dans les déserts médicaux. La crise sanitaire et les confinements ont fait apparaître de manière encore plus aiguë ces problématiques. Pourtant, tous les amendements portant sur la prolongation de la durée de validité des ordonnances, la possibilité pour les opticiens de modifier une primo-prescription et les expérimentations en télémédecine incluant les opticiens, ont été refusés.
Pourquoi ? Il est évident que le gouvernement ne souhaite pas, surtout en ce moment, heurter le corps médical, qui, par ailleurs, est très représenté au sein du Parlement et de la commission des Affaires sociales. Le syndicat des ophtalmologistes s’arc-boute sur la question de la primo-prescription. Pourtant, sur le terrain, je constate que les relations entre ophtalmologistes et opticiens s’améliorent et vont de plus en plus dans le sens d’une coopération. Donc je ne pense pas que les préconisations du rapport Igas puissent rester lettre morte. Mais les choses vont bouger lentement.
Une partie de ses recommandations sont du ressort du réglementaire et non du législatif. Pensez-vous qu’elles ont plus de chances d’être mises en place rapidement ?
Effectivement, c’est le cas en ce qui concerne la communication sur la possibilité de renouvellement des équipements directement chez l’opticien sur la base d’une ordonnance valide. J’ai pu constater que les pouvoirs publics, en particulier les cabinets du Premier Ministre et du ministre de la Santé, se déclarent favorables à cette recommandation et sont à l’écoute. Ils sont parfaitement conscients que le premier volet de la réforme 100% Santé ne règle pas complètement les difficultés d’accès aux soins.
« Les pouvoirs publics sont favorables à une communication sur les renouvellements chez l’opticien, mais ce n’est pas la priorité compte tenu de la crise sanitaire »
Néanmoins, ces questions ne font pas partie des priorités actuelles : des budgets importants sont alloués aux communications sur la crise sanitaire (respect des gestes barrière, messages prochains sur la vaccination…). Selon moi, cela « gèle » les avancées dans notre secteur.
Vous êtes le seul opticien à l’Assemblée nationale. Quelles leçons tirez-vous de cette expérience ?
Après mon élection en 2017, j’ai souhaité, au début, rester en retrait sur tous les sujets touchant la santé. Mais avec les avancées importantes du rapport Igas, nous sommes quelques professionnels paramédicaux présents à l’Assemblée à porter cette volonté de refonte de l’organisation des soins. Nous trouvons un écho chez de nombreux députés qui affrontent dans leur circonscription les problèmes d’accès des citoyens à la santé visuelle. Et nous comptons faire entendre notre voix. Mais je ne vous cache pas une certaine déception : en dépit de cette prise de conscience largement partagée, rien ne bouge vraiment. Bon nombre de responsables au sein des pouvoirs publics et parmi les députés ont manifesté leur accord au moment de la présentation des amendements. Mais à la fin, nous n’avons pas obtenu de résultats tangibles. Nous maintenons la pression, aux côtés des syndicats d’opticiens. Aux opticiens également de ne pas hésiter à s’engager.
Benoît Potterie,
député de la 8e circonscription
du Pas-de-Calais
(groupe Agir ensemble)