La décision du gouvernement de fermer les magasins d’optique des centres commerciaux de plus de 20 000 m2, peu compréhensible au regard de ce qui s’est passé lors des 2 confinements de 2020, a suscité une certaine inquiétude dans la profession. Car, au-delà de cette mesure qui introduit, entre les professionnels, une distorsion de concurrence et fait fi de la relation entre les clients et leur opticien, c’est bien votre statut pérenne de professionnel de santé qui est en question.
La fermeture des opticiens implantés dans les centres commerciaux de plus de 20 000 m2, effective depuis le 1er février, concerne près de 2 000 points de vente, soit environ 15% du parc magasins. En termes de CA, l’impact sur le marché risque certes d’être non négligeable, compte tenu du chiffre d’affaires HT moyen par magasin dans les centres commerciaux (896 860 €, lire notre Hors-Série L’Observatoire de l’optique 2020).
« Ce coup d’arrêt brutal de l’activité touche les points de vente optiques des grands centres commerciaux, qui ont subi les plus fortes baisses en 2020 »
« 200 000 équipements commandés avant le 31 janvier sont en attente de livraison »
Les syndicats d’opticiens, Rof et Fnof (Fédération nationale des opticiens de France), ont œuvré la semaine dernière pour obtenir, au moins, la livraison, dans des conditions sanitaires et de sécurité, des équipements en cours. A l’heure actuelle, 26 préfectures* ont accordé une dérogation pour que les clients viennent retirer leur équipement commandé avant le 31 janvier 2020, soit en click and collect, soit sur rendez-vous en magasin. Cela représente quelque 200 000 équipements.
Doit-on aller plus loin et demander la réouverture des opticiens en centre commercial ? Sur ce point, les 2 syndicats d’opticiens divergent. Pour Alain Gerbel, président de la Fnof, une telle initiative n’est pas sans risque et pourrait faire perdre aux opticiens « toutes les aides », alors même que l’absence de flux clients dans les centres entraînerait une forte baisse de CA. Et qui plus est ne serait pas sans effet sur l’image des opticiens : « Nous sommes des professionnels de santé, mais nous devons respecter les décisions du gouvernement », déclare Alain Gerbel.
« Pourquoi les opticiens, professionnels de santé, implantés dans les centres commerciaux doivent-ils fermer, alors que les pharmacies sont ouvertes ? »
Or c’est bien ce statut de professionnel de santé qui est en question, selon André Balbi, président du Rof. « Au même titre que les pharmaciens qui peuvent rester ouverts, les opticiens devraient l’être en tant que professionnels de santé. » En retirant aux points de vente des centres commerciaux cette fonction de « service essentiel », les pouvoirs publics renverraient donc à une perception à géométrie variable du métier d’opticien : « Essentiels en mars-mai 2020, puis de nouveau en novembre, les opticiens ne le sont plus considérés en février 2021. C’est incohérent », souligne le président du Rof qui demande à ce que les magasins d’optique des centres commerciaux soient réintégrés dans la liste des commerces essentiels. L’inquiétude d’une partie de la profession est d’autant plus réelle que la crise sanitaire n’est pas terminée et que l’éventualité d’un 3e confinement toujours pas écarté.
« Une reconnaissance pleine et entière du statut de professionnel de santé encore difficile »
En dépit des avancées de ces dernières années, votre statut de professionnel de santé reste donc encore bien fragile. Tout comme la prise en compte d’une relation de confiance entre l’opticien et ses clients et de l’importance du suivi et de l’accompagnement du porteur. Le chemin de la reconnaissance pleine et entière est encore long.
* Corse du Sud, Alpes-Maritimes, Bouches-du-Rhône, Charente, Charente-Maritime, Côte-d’Or, Eure-et-Loir, Dordogne, Essonne, Gironde, Jura, Loire, Meurthe-et-Moselle, Hautes-Pyrénées, Hérault, Indre-et-Loire, Morbihan, Pas-de-Calais, Pyrénées Atlantiques, Bas-Rhin, Haut-Rhin, Seine-Maritime, Var, Vaucluse, Vienne, Yvelines.
Marie-Dominique Gasnier, rédactrice en chef