Si elle a perturbé l’année 2020, avec un impact particulièrement sur les points de vente situés dans les centres commerciaux, la crise sanitaire a prouvé la capacité d’adaptation de l’optique, comme l’a montré, par exemple, la généralisation de la prise de rendez-vous. Mais l’arrivée programmée de certains produits, comme les verres digitaux et les équipements connectés, entre autres, pourrait marquer une rupture technologique. Et si vos magasins anticipaient ces bouleversements ?
Lentilles et lunettes connectées, équipements avec réalité augmentée, verres digitaux ou électrochromes… Qu’elles soient commercialisées, naissantes ou en cours d’expérimentation, ces innovations vont, tôt ou tard, faire bouger les lignes du marché. D’où cette interrogation : dans quelle mesure les magasins doivent se préparer à ces potentielles ruptures technologiques ?
« Les magasins d’optique peuvent, dès maintenant, se préparer à accueillir de nouveaux produits dont le story telling sera très puissant »
« En termes d’agencement, d’outils digitaux, les points de vente ne sont pas prêts à accueillir de tels produits, si on les compare à des Apple Store, par exemple. Même Dyson met en avant ses aspirateurs et ses ventilateurs, des objets pourtant peu “sexy”, grâce à une pédagogie accessible mais pointue », estime Nicolas Diacono, Technology Trends Analyst pour BNP Paribas. « Avec une innovation désirable comme la lentille du futur, connectée et adaptable à toutes les pathologies oculaires, le storytelling pourrait être puissant », remarque Frank Rosenthal, consultant en marketing.
Un rôle d’explication
Par ailleurs, les points de vente devront savoir vulgariser ces produits high-tech. Bien au-delà de leur cœur de métier. Après tout, on ne pourra pas vendre une lunette avec réalité augmentée comme un équipement correcteur classique, en termes d’usages, de fonctionnalités, d’entretien, de mises à jour logicielles.
« Les opticiens auront à “remonter” les difficultés des utilisateurs. D’où une nécessaire maîtrise des évolutions techniques »
« Bien sûr, les enseignes et les fournisseurs accompagneront leurs partenaires, mais les opticiens devront être proactifs et suivre ces évolutions techniques. Par exemple, pour faire remonter aux fournisseurs les difficultés rencontrées par les utilisateurs. En assurant ce service après-vente, ils se rendront encore plus indispensables, au-delà de leur important maillage territorial en France », affirme Sébastien Brusset, opticien et fondateur de Jaw-Studio, spécialisé dans le design et l’innovation.
Des atouts « high-tech » à exploiter
Pour autant, cette conversion au digital ne devra pas se faire au détriment des produits classiques. « Il y aura toujours un large besoin de montures traditionnelles pour des raisons esthétiques, de coût, mais aussi car les modèles “high-tech” commencent seulement à pénétrer le marché. Dès aujourd’hui, les opticiens gagneraient donc à mieux présenter, avec un discours pédagogique, les atouts des verres ou même des composants des montures. En ce qui concerne la lumière bleue, la freination de la myopie, etc. », continue Nicolas Diacono.
« Les opticiens ont tout intérêt à assumer un discours pédagogique sur la technologie des produits »
Sachant que ce tout-technologique aura peut-être des difficultés à rimer avec une consommation responsable… Un créneau à fort potentiel encore insuffisamment investi par les points de vente, qui commencent seulement à proposer des systèmes de récupération et de recyclage des montures anciennes ou hors d’usage.
« Une soudure en acétate, c’est aussi du high-tech ! »
« Le recyclage et une soudure en acétate, c’est aussi du high-tech ! Une fois généralisé, ce service permettrait aux opticiens de prouver leur maîtrise technique, de la facturer et de marger sans intermédiaires. De se rendre encore plus indispensables », poursuit Sébastien Brusset, qui insiste sur l’importance de ces compétences comme levier de fidélisation et de croissance. Un avis partagé par Nicolas Diacono, persuadé que l’expérience client devra encore être améliorée pour que les magasins d’optique ne soient pas fragilisés par d’éventuels nouveaux entrants, comme les Gafam, dont la capacité à proposer des parcours fluides n’est plus à prouver.
« Développer l’expérience client et faciliter la vie du consommateur renforcent l’opticien face à d’éventuels nouveaux entrants »
« Essayage virtuel, présélections à distance, système de livraison à domicile, système de retrait H24… Tout doit faciliter la vie du consommateur. L’opticien fan de surf, de bricolage ou de tir de précision pourrait afficher ses passions, comme le font les conseillers commerciaux de Home Depot, le Leroy Merlin américain. Un moyen d’afficher son expertise et de le faire savoir au client », conclut l’analyste. Bref, au présent comme au futur, le service restera le meilleur atout des points de vente.
Sébastien Brusset, opticien et fondateur de Jaw-Studio
Nicolas Diacono,
Technology Trends Analyst
pour BNP Paribas
Frank Rosenthal, consultant en marketing