Entre télétravail et fermetures administratives, la crise sanitaire a perturbé la fréquentation des magasins, en particulier ceux situés en centres commerciaux. Ainsi, en janvier 2022, selon Procos, la baisse du flux clients s’est encore accélérée (- 28% vs janvier 2019), du fait du télétravail obligatoire et des craintes concernant la contagiosité du virus. Un constat global partagé par ceux d’entre vous qui exercent en centre commercial. Dans ce contexte qui perdure, quel soutien de vos bailleurs ? Cette période particulière vous amène-t-elle à revoir votre politique d’implantation ?
Pour répondre à ces questions, Bien Vu a interrogé Thierry Tahon, opticien multipropriétaire (6 points de vente Optical Center) dans le nord de la France, et Gwénaëlle Leprêtre, opticienne directrice de magasins (11 Optic 2000) dans l’Ouest.
Ces 2 multipropriétaires en conviennent : à des degrés divers, leurs bailleurs ne se sont pas spécialement montrés solidaires au plus fort de la crise sanitaire. « Sur 6 baux commerciaux, un de mes bailleurs m’a offert un mois de loyer durant le premier confinement. Face au manque d’activité, nous nous sommes reposés sur notre trésorerie et sur les PGE », commence Thierry Tahon. Constat similaire pour Gwénaëlle Leprêtre : « En mars 2020, un de nos bailleurs – un supermarché – a immédiatement suspendu nos loyers le temps du premier confinement. A l’inverse, les autres ont mis 6 mois avant de consentir à un coup de pouce équivalent à un mois de loyer… Globalement, les supermarchés me semblent plus enclins au soutien et à la négociation que les retail parks ».
Garder un lien avec ses bailleurs
Un point de vue partagé par Thierry Tahon, qui souligne la nécessité d’établir des « liens » avec ses bailleurs. « Quand mon interlocuteur est une personne en chair et en os, que je peux croiser de temps en temps lors d’un déjeuner d’affaires, ou même autour d’un café, une forme d’empathie et de respect mutuel peuvent s’installer », confirme l’opticien, qui dénonce les « fonds d’investissement inaccessibles, joignables par les seules plateformes numériques sécurisées ».
« Privilégier le contact direct avec le bailleur si possible et se rapprocher d’autres magasins pour peser collectivement »
Face à ces difficultés de communication, Gwénaëlle Leprêtre conseille de se rapprocher d’autres commerçants, afin de peser collectivement. « Créer ou rejoindre une union commerciale permet de se faire entendre et de trouver des alliés de circonstance », poursuit-elle.
Un modèle à questionner ?
Malgré leurs relatives déceptions, et une fréquentation en baisse depuis le début de la crise sanitaire, les 2 opticiens ne comptent pas remettre en question leur stratégie d’implantation. « Grâce à notre CA assez élevé, le loyer n’est pas notre charge principale… Je ne cherche donc pas à réduire nos surfaces de vente. Pour autant, chaque année, j’essaie d’acquérir nos locaux en adressant une lettre d’intention à mes bailleurs… A ce jour, je ne possède qu’un de mes 6 emplacements… Il faut dire que les opticiens sont de bons payeurs », explique avec un sourire Thierry Tahon, qui devrait poursuivre ses ouvertures à proximité de centres commerciaux, en dépit d’une fin 2021 marquée par un flux moindre de clients.
« Les premiers mois 2022 m’ont rassuré : le flux repart à la hausse et le ratio marge/charges, bien qu’en baisse depuis des années, reste performant »
« Je me suis posé des questions par rapport au retour des gens vers les commerces de proximité et au poids d’Internet… Mais le premier mois 2022 m’a rassuré : le flux repart à la hausse et le ratio marge/charges, bien qu’en baisse depuis des années, reste performant. Et puis, en étant situés à l’extérieur des centres commerciaux, avec notre propre accès et parking, nous sommes moins dépendants de l’attraction de la galerie marchande », continue l’opticien.
« Les grandes surfaces de point de vente correspondent à des attentes de la clientèle »
Vigilance, donc… Mais foi dans ce modèle qui a fait ses preuves. A l’instar de Gwénaëlle Leprêtre, qui tient à ses surfaces « d’au moins 100 m² et 200 m² ». « Les petits magasins agiles de 30 à 60 m², c’est parfait en hypercentre ou au cœur d’une métropole… Par contre, dans nos villes de 10 000 habitants maximum, nos clients attendent au contraire de l’aisance, un espace d’accueil, du confort… Et en tant que professionnelle, j’aime exposer un maximum de montures. Par amour des produits et du choix ! », conclut l’opticienne. Dont la stratégie actuelle restera la même, sauf « bouleversement du marché ».
Gwénaëlle Leprêtre,
opticienne, directrice de 11 magasins
Optic 2000 dans l’Ouest
Thierry Tahon,
opticien, propriétaire de 6 points de vente
Optical Center dans le nord de la France