Depuis le 1er janvier, les ARS (Agences régionales de santé) du Centre-Val de Loire et de Normandie peuvent autoriser les opticiens à pratiquer des examens de vue dans les Ehpad. 3 de ces opticiens, familiers depuis plusieurs mois ou années de ces interventions, livrent à Bien Vu leurs impressions.
Pascale David, Les Opticiens Mobiles, située dans la région de Tours (37) : « Un travail en collaboration avec l’établissement, la famille et le résident »
A raison de 2 demi-journées, voire 2 journées par semaine, la préparation de ma venue est essentielle. J’envoie une liste vierge afin que l’infirmière coordinatrice précise les noms des résidents intéressés par les dépistages visuels et j’adresse également un courrier aux familles, via cette même infirmière, pour les informer de ma venue. En général, je vois entre 7 et 8 résidents lors de chaque déplacement, à raison de 30 minutes par personne, en moyenne, pour me renseigner en profondeur concernant leurs besoins visuels. Les rendez-vous ont lieu dans une pièce dédiée, idéalement avec une fenêtre avec volet, afin de pouvoir retrouver la luminosité intérieure et extérieure.
Dans le cas de résidents dépendants, ou présentant des troubles cognitifs, la présence d’une aide soignante, voire de la famille, peut être nécessaire afin de fluidifier la conversation et de bien comprendre les besoins du porteur.
D’ailleurs, le contenu même de ces rendez-vous est varié. Outre le contrôle de la vue, je fais aussi des réparations de montures et des devis, quitte à fixer un rendez-vous complémentaire pour conclure la vente. Enfin, en aval du rendez-vous, je procède toujours à un compte-rendu, si possible par écrit, destiné au résident, à la famille, mais aussi à l’infirmière coordinatrice. Essentiel pour garder une trace écrite, conserver un lien, mais aussi pour montrer, pas à pas, notre sérieux et notre dévouement vis-à-vis de nos porteurs.
Pascale David,
Les Opticiens Mobiles,
région de Tours (37)
Benoît Hut, Optic 2000 à Montoire-sur-le-Loir et Vendôme (41) : « Il arrive que les médecins coordonnateurs de l’établissement, en accord avec un ophtalmologiste, émettent des ordonnances »
Bien avant cette expérimentation, nous menions déjà des examens de vue dans les Ehpad et nous souhaitions développer cette activité. Mais le plus difficile, c’était de trouver des Ehpad prêts à jouer le jeu. Nous sentions que nous devions faire nos preuves et rassurer la direction des établissements, ainsi que les familles.
Cette officialisation sert donc d’accélérateur mais de nombreux allers-retours restent nécessaires avec les maisons de retraite pour bien définir notre contexte d’intervention. Certaines familles en particulier s’associent de manière étroite au rendez-vous avec leur parent et au processus de vente, ce qui peut nécessiter de la pédagogie et de la patience.
Il me semble donc vital de dédier une personne bien définie à ces interventions, à la fois pour acquérir de l’expérience dans ce contexte sanitaire et humain particulier, mais aussi pour faciliter les démarches avec les établissements, les référents, les résidents et les familles.
Par contre, le manque de prescripteurs, dans notre territoire, reste un frein, malgré la possibilité dans certains cas d’adapter les ordonnances. Il arrive donc que les médecins coordonnateurs de l’établissement, en accord avec un ophtalmologiste, émettent des ordonnances en cas d’urgence médicale. Mais en attendant d’éventuelles réformes de fond, les opticiens gagnent à s’engager, à s’investir et à aller à la rencontre, au plus près du terrain, de leurs porteurs. C’est le meilleur moyen de montrer que nous pouvons incarner ce rôle d’opticien de santé.
Benoît Hut,
Optic 2000,
à Montoire-sur-le-Loir et Vendôme (41)
Emilie Lansade, Ecouter Voir, Châteauroux (36) : « Cette expérimentation cadre le processus d’intervention, légitime notre déplacement et permet, aussi, de ‘’fidéliser’’ l’établissement »
Même si nous avions déjà l’habitude de nous déplacer en Ehpad, cette expérimentation cadre le processus d’intervention, légitime notre déplacement et permet, aussi, de « fidéliser » l’établissement. La plupart des Ehpad sont ainsi basés dans un périmètre de 15 minutes et il nous arrive, ponctuellement, de nous déplacer dans des maisons de retraite situées à 30 ou 40 kilomètres.
Nos venues ne se font qu’à la demande des résidents, des familles et des infirmières, même s’il arrive que des clients « habitués » de notre magasin nous demandent d’intervenir en Ehpad auprès de leurs parents. A ce jour, nous intervenons, en général, 2 après-midi par mois, en général de 14 à 16h, pour ne pas déranger les toilettes du matin, le repas du midi et la sieste. Chaque intervention est bien organisée et anticipée, grâce à une relation intelligente avec les infirmières et, dans certains cas, avec le tuteur. Elles m’envoient en amont les ordonnances, les attestations Sécurité sociale, les cartes de mutuelles et je demande toujours une photo du résident, s’il l’accepte, afin de procéder à une sélection de montures qui me semble adaptée.
La présence de la famille, si elle nécessite une bonne communication et du tact, rassure le résident et l’aide dans le choix de ses montures. Toutefois, un certain nombre de rendez-vous n’aboutissent pas à une vente et je ne facture ni le déplacement, ni les réparations des lunettes, ni l’examen de vue. Mais il faut voir sur le moyen et long terme : en rendant service et en se plaçant comme un « facilitateur », l’opticien fidélise sa clientèle et peut même « gagner » des clients, par exemple auprès des familles venues accompagner leur parent vivant en Ehpad. Preuve que la dimension santé de notre métier n’est pas incompatible avec ses aspects commerciaux.
Emilie Lansade,
Ecouter Voir,
Châteauroux (36)