L’âge moyen des opticien(ne)s repart à la hausse. Et parmi les moins de 40 ans, l’envie de s’installer s’amenuise d’année en année. Cette évolution démographique aura forcément un impact sur le paysage de la distribution optique dans les prochaines années. Explications.
Une profession jeune… mais qui commence à vieillir
L’optique reste une des professions de santé les plus jeunes : l’âge moyen des opticien(ne)s est de presque 37 ans en 2022 – contre 47 ans pour les pharmaciens, 38 pour les audioprothésistes, 37 pour les orthoptistes. Néanmoins, après un rajeunissement continu de la profession entre 2003 et 2013, l’âge moyen augmente chaque année depuis 2017. Rien d’inquiétant encore. Pourtant, cette hausse traduit à sa manière la crise de recrutement et la baisse d’attractivité du métier, à l’instar de l’évolution du nombre de diplômés et de candidats au BTS-OL.
Evolution 2013-2022 de l’âge moyen des opticiens (en années)
Un recul de la fibre entrepreneuriale
Autre indicateur d’une évolution démographique de la profession qui pourrait, à terme, avoir un impact sur la structure même du marché : le recul très net des aspirations entrepreneuriales des jeunes opticien(ne)s. Entre 2003 et 2017, le pourcentage de propriétaires de moins de 30 ans oscillait entre 11 et 14%. Depuis 2018, il ne cesse de baisser pour tomber en dessous de 5% en 2022.
Certes, l’aspiration à l’installation chez les plus jeunes n’a pas disparu, mais ils sont moins « entreprenants »… et, en tout cas, reportent à plus long terme leur projet de création ou de reprise. Cela est dû bien sûr par la volonté des jeunes diplômés BTS-OL de poursuivre leurs études et d’acquérir d’abord une expérience au sein de magasins, bien souvent sous enseigne. Mais cela révèle également un changement plus global qui conduit certains à se désintéresser de l’entrepreneuriat et de la prise de risque qu’il induit.
Plus préoccupante encore est la baisse du pourcentage de propriétaires chez les 30-40 ans : ils étaient près d’un tiers de cette tranche d’âge à franchir le pas de l’installation en 2013, ils ne sont plus que 16% ! Cela s’explique en partie, bien sûr, par la relative stabilité du parc de magasins, alors que la population des opticiens a été multipliée par 1,6 : on est passé d’un peu moins de 12 000 magasins en 2013 à environ 13 000 en 2022. Il n’empêche, tout naturellement, le poids des propriétaires de 50-59 ans ne cesse de croître depuis une dizaine d’années : ils constituent désormais près d’un quart des propriétaires (contre moins de 20% jusqu’en 2020). Or ce sont eux qui commencent à réfléchir à la cession de leur entreprise…
Evolution 2013-2022 du pourcentage des propriétaires de moins de 30 ans et de 50 à 59 ans
Qui pour prendre la relève ?
Quelles pourraient être les conséquences de cette évolution démographique ? C’est déjà une bonne nouvelle pour les moins de 40 ans : sur un marché dynamique, en dépit des aléas conjoncturels et des contraintes réglementaires, il y a des magasins à reprendre. Pour peu qu’ils aient la fibre entrepreneuriale et envie de s’installer. Un enjeu bien identifié, entre autres, par Optic 2000 qui incite les salariés de ses adhérents à se donner les bons outils pour envisager une reprise de point de vente, via un Parcours entrepreneur conçu en partenariat avec l’Essec.
Mais d’autres scénarios sont envisageables. D’abord, celui d’une croissance des multi-propriétaires (en association ou pas avec leurs salariés). Actuellement, en moyenne, 1 propriétaire possède 1,5 magasins. Des micro-groupes « régionaux » (sous enseigne ou indépendants) existent déjà, ils devraient se multiplier dans un futur proche.
Mais, si la « relève » de propriétaires s’amenuise, le paysage de la distribution optique française, stable jusqu’à maintenant, pourrait aussi connaître une transformation plus importante. On sait que l’enseigne allemande Fielmann prépare son implantation en France. Or, cela ne se fera vraisemblablement pas, via des créations de magasins mais plutôt par rachat de points de vente ou d’enseigne.
Autre hypothèse : des reprises de magasins indépendants par des industriels, comme c’est le cas en audio avec une intégration verticale qui a démarré il y a plusieurs années. Ou par des entités soutenues par des investisseurs : c’est une tendance qu’on observe déjà aux Pays-Bas (avec Oogwereld, par exemple, qui a déjà racheté une soixantaine de points de vente indépendants) et en Belgique. Un signal faible pour notre marché, à surveiller dans les mois à venir…
C’est certain : le paysage de la distribution va changer. Va-t-on inéluctablement vers une concentration comme dans d’autres pays européens, vers une croissance des succursales et/ou des multipropriétaires ? Les opportunités de beaux parcours d’entrepreneur existent pourtant pour les moins de 40 ans s’ils le souhaitent : l’avenir du métier d’opticien se joue là aussi, et pas seulement dans les évolutions réglementaires ou l’extension de ses compétences !