65% et 42 €. C’est en l’espace de 2 avis publiés au Journal officiel en juin dernier les seules propositions actuelles des pouvoirs publics concernant l’acte 2 du 100% Santé en optique : les opticiens qui vendent plus de 65% de panier A équipement complet (en volume) recevraient une « incitation financière » de 42 € (par équipement) associée à un code LPP (à définir) entièrement pris en charge par l’Assurance maladie. Une mesure non rétroactive qui devrait donc être concrétisée à partir du premier semestre 2024 dans les magasins concernés…
Mais de quels magasins parle-t-on ? Combien d’entre vous sont concernés par ce pourcentage pour le moins surréaliste de 65%, sachant que la Cnam évalue à 18% l’offre 100% Santé (panier A et panier mixte) dans le total des équipements vendus ? Selon les syndicats d’opticiens, Fnof et Rof, 3% des points de vente hexagonaux (aux alentours de 300 maximum) atteindraient ce taux… A moins que ne soient seulement ciblés les points de vente qui ont, à l’issue d’une étude de marché, choisi un positionnement sur le seul 100% Santé. « Auquel cas, il ne s’agit pas d’une « incitation financière » mais bien d’une mesure de soutien, pour ne pas dire d’une subvention publique », analyse Hugues Verdier-Davioud, président de la Fnof. « Pour certains magasins qui peuvent se trouver en difficulté du fait d’un taux de 100% Santé supérieur à leur point mort, cette mesure va leur permettre de « respirer » néanmoins. »
Quoi qu’il en soit, elle n’incitera pas plus les consommateurs à aller dans ces magasins et n’aura aucun effet sur tous les autres points de vente qui appliquent la réforme depuis 2020. Penser qu’elle puisse augmenter le taux de recours à l’offre 100% Santé révèle le caractère biaisé du raisonnement des pouvoirs publics. Depuis la mise en place de la réforme, ils lient sa réussite à la seule « motivation » des opticiens à jouer le jeu. Or, 4 ans plus tard, un constat s’impose : si le taux de 100% Santé en optique plafonne en deçà de 20%, c’est en raison d’un faible recours des Français. Selon une étude Ipsos réalisée pour le Snof en avril dernier, si 8 Français sur 10 connaissent le 100% Santé, seuls 21% des porteurs l’utilisent et même 15% seulement ont recours au panier A intégral. Et selon les réseaux de soins, Kalixia en tête, ce faible taux s’explique : le 100% Santé en optique (au contraire de l’audio et du dentaire) ne correspond tout simplement pas à une attente forte des porteurs.
Pas incitative donc pour accroître le poids du 100% Santé, cette mesure est pour le moins surprenante de la part des pouvoirs publics. Alors que s’est déroulée ce week-end La Grande Exposition du Fabriqué en France à l’Elysée, ils semblent adresser un signal en faveur des produits importés qui composent exclusivement l’offre 100% Santé….
Surtout, ces propositions émanant de la Direction de la Sécurité sociale et du CEPS (Comité économique des produits de santé) ne sont pas la hauteur des enjeux qui se posent à la filière de santé visuelle. « Elles ne répondent pas aux problématiques actuelles des opticiens confrontés à l’augmentation des coûts fixes et aux pressions inflationnistes », souligne Arnaud Collin, directeur général du Rof. « Nous n’avons toujours pas de calendrier concernant la nécessaire revalorisation des prix limites de vente du panier A. Rien non plus sur les orientations concernant l’amélioration de l’accès aux soins visuels. » Ce à quoi devrait servir l’acte 2 de la réforme en optique, si l’on se rappelle les différentes déclarations d’Emmanuel Macron depuis 5 ans : à quoi bon faire le 100% Santé si on ne règle pas sur tout le territoire les difficultés d’accès aux soins visuels et aux ordonnances ?