Au-delà des contraintes de la crise sanitaire qui perdure, votre quotidien n’a cessé de se transformer ces 18 derniers mois. Et ce n’est pas fini. Il y a bien sûr les demandes de vos consommateurs qui évoluent vers plus d’authenticité, de proximité avec vous, mais aussi de plus de liens digitaux. Sans compter leurs nouveaux besoins visuels. Il y a surtout tout votre éco-système qui se modifie à grande vitesse, avec ses menaces et ses potentialités de croissance. Face à ces enjeux et questions qui exigent de vous des choix stratégiques, un projet et un positionnement clairs, il n’y a pas de mauvaises attitudes sinon celle qui consiste à ne rien faire, à ne pas anticiper. Dans les mois à venir, il vous faudra statuer : quel opticien souhaitez-vous être en 2025 ?
- Quelles relations avec les Ocam et les réseaux de soins ? Plus d’un an après la mise en place du
100% Santé, les rapports avec les complémentaires santé restent pour la majorité d’entre vous une préoccupation majeure. La question de la transmission des données de santé se pose chaque jour, en dépit des positions de la DGCCRF et de la Cnil. Aux pouvoirs publics désormais de prendre leurs responsabilités. Et de trancher : soit les Ocam conservent leur rôle strict de remboursement et de prise en charge, sans avoir accès aux données de santé et codes détaillés ; soit l’articulation entre assurance maladie obligatoire et complémentaires santé évolue. Dans les 2 cas de figure, c’est tout l’environnement de votre activité qui en sera impacté. A vous aussi de déterminer votre relation aux réseaux de soins et Ocam, sachant que le rapport de forces a changé avec le 100% Santé et l’intervention de nouveaux intermédiaires pour piloter le parcours de soins de vos clients.
- Opter pour la voie de l’opticien de santé ? Tout y incite : la traduction probable dans les faits des préconisations du rapport Igas, la réforme de la formation, la nécessité de résoudre les inégalités d’accès aux soins visuels quel que soit le territoire. Avec une moyenne d’âge de 39 ans (salariés et propriétaires confondus) et une densité de 62 professionnels pour 100 000 habitants au 1er janvier 2021, vous êtes équitablement et durablement répartis sur l’ensemble du territoire, proches de la population, partout en France. Et à même de répondre aux enjeux de santé visuelle, vieillissement de la population, croissance de la myopie et des besoins de prise en charge. Le choix stratégique de la « spécialisation » (en enfants, en basse vision, en expert en réfraction, etc.) est déjà la piste suivie par nombre d’entre vous.
Mais il ne faut pas oublier que tout un pan du marché reste très ancré sur le prix et sur l’accessibilité à l’équipement (remboursements, facilités administratives, etc.). Là encore, à chacun d’entre vous de définir son positionnement pourvu qu’il soit clair et en accord avec ce que demandent vos clients, car c’est eux qui le façonnent. Et cela passe quel que soit votre choix forcément par une réévaluation de votre dimension commerciale à travers une meilleure réponse aux nouvelles aspirations des consommateurs (compréhension des produits, transparence, prise en considération des besoins).
- Enrichir votre relation client ? Quel que soit votre positionnement, oui. Vous l’avez fait avec les confinements et la reprise. Une approche qui a participé à la résilience de votre activité et porteuse des croissances à venir. Communication en amont et en aval, prise en considération du patient/client, prévention et santé visuelle, parcours client repensé : vous avez toutes les armes pour capitaliser sur les atouts que vous a donnés le système de prise de rendez-vous.
- Se préparer à la téléconsultation en magasin ? Le contexte sanitaire y est favorable, la persistance des déserts médicaux aussi. Parallèlement, les technologies efficaces sont là et des expérimentations sont déjà menées par des enseignes. Autant dire que c’est la question du second semestre 2021. Mais derrière ce mot, se cachent des réalités très différentes : opticien, simple opérateur, ou vraie téléconsultation avec implication dans une démarche interdisciplinaire ? Toutes les pistes sont ouvertes mais se heurtent encore au veto du Snof (Syndicat national des ophtalmologistes de France). Là encore, il est souhaitable que des règles soient clairement édictées pour ne pas voir se développer des initiatives plus ou moins scrupuleuses. Quoi qu’il en soit, il est bon d’anticiper comment vous pourriez intégrer cette innovation en magasin, selon quelles modalités et en fonction de quel positionnement.
- Quelle politique de fournisseurs ? En prenant le contrôle de GrandVision, EssilorLuxottica inaugure une situation inédite dans le paysage optique français. Cela va-t-il modifier profondément les équilibres ? Probablement à terme. Au quotidien et pour les mois à venir, peu de chances de voir apparaître néanmoins des « biais de concurrence » dommageables. Mais cette nouvelle configuration vous incite à définir vos options stratégiques, impliquantes pour votre activité dans les années à venir.
- Ces évolutions vont-elles être freinées par la difficulté à recruter ? Toujours moins de candidats au BTS-OL et vous peinez toujours à recruter : c’est l’enjeu majeur de tous les points de vente, d’autant que le marché devrait retrouver son niveau ante-Covid en 2022. Sur 2 803 candidats cette année, certes 2 285 ont été admis. Est-ce pour autant la fin du tunnel ? Rien n’est moins sûr. Plusieurs initiatives se développent pour contourner le problème : Atol se lance dans une école de formation pour attirer des profils hors optique. L’enseigne ne devrait pas être la seule. Est-ce souhaitable, dans le contexte de renforcement de la dimension santé du métier ? Est-ce suffisant surtout ? Dans cette période d’incertitude généralisée, fidélisez vos équipes comme vous devez fidéliser vos clients. Et quel que soit votre choix stratégique, assumez-le, rendez-le cohérent et transparent pour vos équipes, vos fournisseurs, vos clients.
Marie-Dominique Gasnier, rédactrice en chef