En exprimant sa satisfaction face aux chiffres des paniers 100% Santé dans les 3 secteurs (plus de 10 millions de Français en ont bénéficié en optique, audio, dentaire), le ministère de la Santé a surtout profité du comité de suivi de la réforme du 25 janvier dernier pour peaufiner sa stratégie de communication « électorale ». Un satisfecit qui n’empêche pas les pouvoirs publics de continuer à mettre la pression sur les 3 professions de santé concernées comme sur les Ocam pour consolider la réforme. Et d’ouvrir le débat sur son évolution.
Une réforme « efficace » selon le ministère
« Le 100% Santé, en facilitant l’accès de tous à des produits de santé du quotidien, constitue une avancée importante du système de protection sociale français. Il réduit le renoncement aux soins en conduisant de nouveaux assurés à se soigner et à s’équiper », a déclaré Olivier Véran, à l’issue du dernier comité de suivi du quinquennat.
« En cette période électorale, le 100% Santé devient la réforme « sociale » efficace du gouvernement »
Sans grande surprise, le gouvernement compte bien s’appuyer sur son « succès » dans les 3 secteurs, optique, dentaire, audio, pour mettre en avant la « réforme efficace » du quinquennat d’Emmanuel Macron : grâce au 100% Santé, il a réussi à diminuer le renoncement aux soins – même en optique avec plus de 4 millions de porteurs équipés depuis janvier 2020 -, à lutter contre la perte d’autonomie et la précarité, à développer la prévention et à consolider le pouvoir d’achat… Au-delà de cette « communication » gouvernementale, la mise en place de la réforme n’est pas terminée, de l’avis même du ministère, et son impact sera intensifié dans les prochains mois.
Des sanctions pour « améliorer » son application
Et cette consolidation passe d’abord par une pression accrue sur les professionnels des 3 secteurs. Car les opticiens ne sont pas les seuls dans le viseur. Pour l’optique, 2 réunions sont prévues début et fin février entre les pouvoirs publics et les représentants des opticiens : l’une avec la Cnam dont l’ordre du jour abordera les contrôles du respect de la réforme et les sanctions qui seront prises, l’autre avec le ministère.
« Consolider la réforme via des sanctions effectives pour non-présentation du 100% Santé au client par l’opticien »
« Concernant, les contrôles de la Cnam et les sanctions en cas de non-respect du 100% Santé, rien de bien nouveau », constate Alain Gerbel, président de la Fnof (Fédération nationale des opticiens de France). « La disposition est prévue depuis 3 ans (Loi de finances de la Sécurité sociale 2019, ndlr) et prévoit une amende de 4% du CA HT (2% pour non-présentation du devis et 2% pour non-présentation du 100% Santé, ndlr) de l’entreprise. » Ces sanctions seront mises en place au cours du 1er semestre 2022. La seconde réunion entre le ministère et les syndicats d’opticiens (et les enseignes selon Alain Gerbel) doit porter sur les règles professionnelles, ce dont se félicite le Rof (Rassemblement des opticiens de France).
Un TP intégral sur le 100% Santé, sans conditions
Pour le ministère, c’est un des derniers freins à lever pour lutter contre le renoncement aux soins et la condition indispensable pour consolider la réforme. Depuis le 1er janvier 2022, les Ocam ont l’obligation de permettre à leurs assurés de bénéficier du tiers-payant intégral sur les soins 100% santé. Mais cette généralisation du tiers-payant se heurte, pour le moment, à la diversité des outils des Ocam qui « imposent » de passer par les plateformes ou conventionnements de TP.
« Un tiers-payant intégral sur la base d’un système ‘’harmonisé’’ qui passera par voie législative en cas de non-accord entre Ocam et opticiens »
A défaut d’un accord entre Ocam et professionnels de santé, les pouvoirs publics ont prévenu : ils reviendront à la voie législative pour appliquer un système harmonisé (disposition prévue au sein du PLFSS 2022, mais invalidée par le Conseil constitutionnel, ndlr).
Un panier A « évolutif » ou repositionné ?
Dernier point auquel s’attache le ministère : le 100% Santé doit s’adapter pour garantir la qualité des soins proposés, tenir compte de l’évolution technologique et s’assurer que l’offre couvre effectivement les besoins essentiels. « Le ministère avait indiqué dès le début de la réforme que les paniers 100% Santé s’inscrivaient dans le temps », souligne-t-on au Rof. Une simple adaptation ou un repositionnement ? « Il faut repositionner le panier A, ministère et Mutualité française penchent d’ailleurs pour cette option », déclare Alain Gerbel.
« Le ministère garde en tête un taux de 20-25% pour le 100% Santé en optique »
En dépit donc de sa satisfaction, le ministre semble bien vouloir accroître le taux (17%) du 100% Santé en optique. « Nous entendons cette volonté mais cet objectif n’est atteignable que si le dispositif bénéficie d’une campagne d’information aussi large que possible pour sensibiliser les Français », précise le Rof. « Et surtout si on désengorge les cabinets d’ophtalmologistes pour donner un accès fluide et rapide aux soins visuels, partout en France. »
De son côté, le Synom (Syndicat national des centres d’optique mutualistes) rappelle : « Au-delà du 100% Santé, le reste à charge zéro existe aussi sur le panier B. Or, il est important d’avoir des chiffres précis sur la réalité de ce RAC 0 sur le marché et sur les RAC inférieurs à 40 €. ». Ce à quoi va s’attacher le syndicat dans les prochaines semaines via la mise en place d’une étude. De quoi donner un nouvel éclairage sur l’impact réel de la réforme pour les porteurs…