Et si l’optique, comme notre société, connaissait une épidémie de « flemme » ? Si l’expression peut choquer, elle correspond à une réalité aux racines profondes, montre une enquête fouillée de l’Ifop pour la Fondation Jean Jaurès*. Explications.
Avez-vous déjà constaté en magasin un manque d’implication de vos collaborateurs ou de vos collègues ? S’agit-il d’une tendance forte ou de relâchements épisodiques ? Quoi qu’il en soit, ces phénomènes ne concernent pas que l’optique, loin s’en faut, comme le montre une étude de la Fondation Jean Jaurès réalisée en partenariat avec l’Ifop et publiée le 11 novembre dernier… « La crise sanitaire du Covid-19 a modifié nos façons de vivre, de consommer et de travailler, mais a aussi accru la valorisation du temps libre et de la sphère privée. Quel est son impact sur la motivation et le rapport à l’effort des individus ? », s’interrogent, en avant-propos, les 2 analystes Jérôme Fourquet et Jérémie Peltier. Pour répondre à ces questions, l’enquête s’est penchée sur l’évolution du rapport des Français au travail, au fil du temps et génération par génération.
Le temps libre préféré au revenu supplémentaire
Premier constat : on observe une forme de perte de confiance vis-à-vis de l’entreprise. Si, en 1990, 60% des salariés répondaient que le travail était « très important » dans leur vie, ils ne sont plus que 24% à partager cet avis ! Et si la crise sanitaire a joué un rôle (37% des actifs ont perdu en motivation depuis le Covid-19), cette panne collective de motivation semble générationnelle… Au point de pencher désormais pour plus le temps libre au détriment d’heures supplémentaires rémunérées ! Comment expliquer cette inversion des priorités, alors même que la question du pouvoir d’achat se place en tête des priorités de nos concitoyens dans le contexte actuel de forte inflation ? Pour les analystes de l’étude, un des facteurs pourrait bien être que « la litanie des plans sociaux que le pays a connu et la multiplication des licenciements de salariés ayant œuvré dans une même entreprise […] a altéré le rapport que de nombreux citoyens entretenaient au travail ». Un autre pourrait bien être l’impression d’un déséquilibre entre ce que le salarié donne à l’entreprise et ce qu’il en reçoit : en 2022, 48% des actifs se jugent perdants (contre 25% seulement en 1993), selon l’étude.
Moins d’effort… mais une ambition au travail intacte
On assiste donc, selon l’étude de Jean Jaurès, à « un changement de référentiel au gré du renouvellement générationnel ». Visible également dans la moindre adhésion à la maxime « il faut souffrir pour réussir ».
Mais si la mystique de l’effort est en perte de vitesse chez les plus jeunes, l’ambition assumée s’affiche sans complexe. Elle est revendiquée par plus de 6 jeunes de moins de 35 ans sur 10 contre moins d’1 personne sur 2 âgée de plus de 50 ans. Une forme de paradoxe déjà constatée en magasin, selon de nombreux témoignages d’entre vous… Elle amène à se poser ces questions : comment appréhender ces différences de sensibilité, de vision du métier et de rapport au travail ? Comment s’adapter, alors que les points de vente rencontrent des difficultés de recrutement et de fidélisation des talents, sans affaiblir la parole managériale ?
*Les Français, l’effort et la fatigue. Etude réalisée par l’Ifop pour la Fondation Jean Jaurès auprès d’un échantillon de 1 003 personnes représentatif de la population française âgée de 18 ans et plus. Interviews réalisées par questionnaire auto-administré en ligne du 1er au 22 septembre 2022.