Bien Vu a interviewé 2 des 3 auteurs de ce rapport : Corinne Collignon, cheffe de service de la Mission numérique en santé, et Vanessa Hernando, cheffe de projet.
Quel regard porte la HAS sur ces dispositifs de télésanté et sur leurs sites, actuels ou futurs, d’implantation ?
Corinne Collignon : Alors qu’il y a une forte tension en matière de personnel soignant, et que certains territoires s’enfoncent dans le désert médical, la télésanté est un levier qu’il faut activer… Mais également encadrer. Avec cette finalité à l’esprit : elle peut dégager du temps médical au profit des patients qui ont besoin de voir en personne un professionnel de santé.
Vanessa Hernando : Notre recommandation est claire : le lieu dédié à la télésanté doit être dévolu au soin et ne pas être accessible depuis l’espace public. Par exemple, dans un magasin d’optique, la salle dédiée à l’examen de vue est adaptée. Toutefois, attention aux risques de compérage : le patient doit être informé qu’il est libre de choisir son professionnel de santé. Moyennant un affichage mural ? Par écrit ? Cela reste à définir.
Corinne Collignon : Pour la HAS, l’implantation d’un équipement de télésanté doit répondre à un besoin de santé publique, rester en cohérence avec l’offre de soins locale et prioriser les territoires où l’offre de soins est insuffisante. On peut ainsi envisager une labellisation des lieux accueillant des patients pour la réalisation d’une téléconsultation ou d’un télésoin. Et cette labellisation pourrait être un préalable à l’installation des équipements et/ou à la prise en charge par la solidarité nationale.
Vanessa Hernando : Nous recommandons ainsi une déclaration des équipements de télésanté implantés pour avoir une visibilité sur leur nature (par exemple, borne, console ou cabine), mais aussi sur le site d’implantation. S’agit-il d’un lieu médical ou paramédical ? D’un bâtiment public ? Moyennant quel protocole ? Ces données pourraient conduire à l’élaboration d’une carte interactive, régulièrement mise à jour, dans une logique de pédagogie et de transparence. Ce point est d’autant plus sensible que les Français peinent encore à faire le distinguo entre télémédecine, téléconsultation et télésoin.
Vanessa Hernando : Il nous semble important de privilégier les lieux où des professionnels de santé sont présents**. Mais, dans le même temps, nous devons veiller à ne pas entraîner de perte de chance au détriment des patients éloignés des sites médicaux ou paramédicaux. Notre recommandation est la suivante : ces espaces sans professionnels de santé doivent respecter la réglementation en vigueur et la convention médicale pour le remboursement des actes.
Corinne Collignon : Si la personne qui accueille et accompagne le patient n’est pas un professionnel de santé, il faut alors qu’elle suive une formation aux règles de confidentialité, aux droits du patient et à l’utilisation des dispositifs médicaux connectés mis à disposition. Autre aspect : le professionnel de santé assurant la prise en charge à distance doit s’inscrire dans une certaine territorialité, dans un rayon raisonnable, afin de pouvoir recevoir le patient si un rendez-vous en présentiel s’impose.
*29 acteurs (professionnels de santé, associations de patients, industriels et sociétés de la télésanté, institutionnels, etc.) ont contribué à l’élaboration de ces recommandations. Questionnaires, visites sur le terrain et consultation publique (qui s’est déroulée du 8 au 22 janvier 2024) ont permis de remonter les informations à la HAS. Dans le secteur de la santé visuelle, il faut noter la participation du Conseil national professionnel d’ophtalmologie, le Conseil national professionnel des orthoptistes, la Fédération nationale des opticiens de France (Fnof) et le Rassemblement des opticiens de France (Rof).
**Pharmacies d’officine ou d’intérieur, laboratoire de biologie médicale, cabinet médical, cabinet paramédical, maison et centre de santé, établissement de santé, établissement médico-social, magasins d’optique.
Corinne Collignon,
cheffe de service
de la Mission numérique en santé.
Vanessa Hernando,
cheffe de projet
de la Mission numérique en santé.