Maher Kassab,
fondateur et pdg de Gallileo Business Consulting
La crise que nous vivons actuellement constitue-t-elle un coup de massue pour l’activité des opticiens ?
Personne ne peut le dire. L’activité est, il est vrai, au point mort pendant toute cette épidémie et nul ne sait comment va réagir le consommateur en sortie de crise. Concrètement, le revenu d’un opticien correspond à la somme des personnes qui viennent à un moment donné dans son point de vente, le client renouvelant en moyenne ses lunettes tous les 3 ans. Si les magasins doivent être fermés pour une durée de 2 mois par mesure gouvernementale, s’agira-t-il d’un report ou d’une perte ? Dans la restauration, c’est clairement une perte. Idem pour les loisirs. En optique, une seule interrogation essentielle : comment l’opticien va-t-il rattraper son chiffre d’affaires ? Si le point de vente est amené à être fermé X semaines, il est important que la “perte” de ces semaines soit la plus minimale possible.
Quelle feuille de route suivre ?
Il importe que l’opticien soit mobilisé pour préparer sa stratégie de retour. Ouvrir ou ne pas ouvrir pendant cette difficile période constitue un faux débat. Les Français, pour la grande majorité d’entre eux, peuvent reporter leurs achats d’optique. Et ils auront pris des habitudes pendant cette période de confinement : acheter sur internet, ne pas porter des lunettes de soleil, renoncer aux marques. Ensuite, tout l’enjeu sera de faire revenir les clients dans les magasins et de développer cette relation de confiance qui existe entre les Français et les opticiens, qui fait que les premiers vont très peu sur internet pour leur achat d’optique en temps normal.
En cette période de confinement, l’opticien a-t-il intérêt à garder le lien avec son client ?
La relation entre l’opticien et son client n’est pas fréquente mais forte. Du point de vue du consommateur, l’information qui l’intéresse en priorité en ce moment concerne l’épidémie. Puis son travail bien sûr. Le reste du temps, il est connecté à sa famille et à ses amis. Je ne pense donc pas que l’opticien soit l’acteur légitime pendant l’épidémie pour entretenir une relation avec ses clients. Le travail va se faire après. Pendant toute la durée de la crise, le consommateur aura moins dépensé. A un moment donné, je l’espère, il voudra se faire plaisir tout en donnant la place à l’échange émotionnel qu’il souhaitera recréer vers l’extérieur. Comme à la sortie d’un moment difficile. La présence de l’opticien sera cruciale pour partager cette émotion.
Différentes stratégies possibles…
“Miser sur le solaire non correcteur peut représenter une initiative intéressante. C’est un marché qui est en train d’échapper progressivement à l’opticien. Les clients privilégient leurs achats sur internet et dans les magasins de sport ou autres. La saison des solaires n’étant pas encore arrivée, il est nécessaire que l’opticien crée des offres attractives et promotionnelles de façon à susciter du trafic en magasin. Deuxième axe nécessaire du fait de la migration vers internet : proposer des offres en lentilles, car beaucoup de porteurs ont acheté sur les sites de lentilles, mais seuls les professionnels de santé que sont les opticiens peuvent apporter le conseil. Troisième axe : les lunettes correctrices. Si le savoir-faire de l’opticien est mis en avant, une relation de confiance peut alors se recréer. Cette crise sanitaire et économique est aussi une crise émotionnelle pour tout le monde. L’opticien a besoin de s’armer en révisant ses fiches sur la réfraction et de développer ce savoir-faire pour pouvoir ensuite le transmettre.”