La reprise est bel et bien au rendez-vous dans vos magasins depuis le déconfinement (+9,3% d’indice en valeur brute en juin 2020 vs juin 2019, selon la dernière note de conjoncture de la Banque de France). Reste la question épineuse du manque d’ordonnances pendant les 2 mois de confinement (environ 2 millions) et d’une « pénurie » à venir les semaines suivantes, étant donné la reprise progressive des consultations ophtalmologiques. Or les premières analyses des prises en charge effectuées depuis le 11 mai indiquent que le trou d’air tant redouté pourrait avoir moins d’effets sur votre activité que prévu.
Pas de pénurie au mois de juin
Avec la raréfaction des consultations en cabinet d’ophtalmologistes pendant la période de confinement et leur redémarrage progressif depuis le 11 mai, la relance de votre activité risque-t-elle d’être freinée par la « pénurie » d’ordonnances ? Début juillet, nous avons réalisé un sondage* pour évaluer cette dernière. Et les résultats sont plutôt encourageants. En tout cas loin des projections alarmistes que l’on pouvait faire en avril-mai (Bien Vu Les Enjeux 3 – La pénurie d’ordonnances pèse sur la reprise).
Un nombre d’ordonnances en hausse
Par rapport à l’an dernier, le nombre d’ordonnances que vous traitez en moyenne par semaine depuis le 11 mai est-il… ?
En juin, 43,5% des opticiens sondés déclarent un nombre d’ordonnances par semaine en hausse par rapport à la même période l’année dernière et 28% un volume identique.
Evolution du nombre d’ordonnances en juin 2020 vs juin 2019 en fonction du statut des magasins
Une moyenne qui recouvre des disparités en fonction du statut des magasins : 36% des répondants indépendants et 54% des opticiens sous enseigne constatent une croissance (20% seulement des mutualistes, mais le nombre de répondants de centres mutualistes reste trop faible pour dégager plus qu’une tendance). Ces hausses se situent, pour 80% des sondés, entre 5 et 30%. Pour ceux dont le nombre d’ordonnances est en baisse (28,5%), cette dernière est majoritairement assez conséquente, entre 10 et 40%. Des résultats qui confirment que, pour nombre d’entre vous, la reprise est bien là avec un quasi-retour à une activité normale.
Un effet de rattrapage post-confinement…
Reste à savoir si cette hausse ne s’explique pas tout simplement par un « rattrapage » sur la base d’ordonnances émises avant le confinement et prises en charge par l’opticien après le 11 mai. Selon Alain Gerbel, président de la Fnof (Fédération nationale des opticiens de France), « à l’heure actuelle, une ordonnance sur 3 date de moins de 8 jours. Avec 2 tiers des ophtalmologistes qui ont vraiment repris leur activité, limitée à 50%, nous avons 35% seulement des ordonnances qui sortent des cabinets. Ce qui signifie que non seulement nous ne rattraperons pas le retard des 2 mois de confinement, mais que, sur les mois d’été 2 millions d’ordonnances en moins vont s’ajouter aux 2 millions manquantes du confinement. »
« Pour 80% des magasins, le flux d’ordonnances post-17 mars était inférieur à 50% à la mi-juin »
Avec, pour conséquence, un « trou d’air » important à prévoir dès juillet et pendant l’automne. Même préoccupation face à ce manque d’ordonnances à venir au Rof (Rassemblement des opticiens de France). Première quinzaine de juin, le syndicat a interrogé ses adhérents pour estimer la proportion d’ordonnances émises à partir du 17 mars et ultérieurement : sur les 280 magasins répondants, 48% ont déclaré un flux d’ordonnances post-17 mars inférieur à 25% et 80% inférieur à 1 ordonnance sur 2.
… Mais des délais d’utilisation des prescriptions en baisse
Des chiffres à nuancer au vu des résultats donnés par Carte Blanche Partenaires qui a analysé les dates de prescriptions via les PEC effectuées : « Depuis le déconfinement, on observe un retour progressif à la normale en ce qui concerne l’écart entre date de prescription et prise en charge chez l’opticien. Dans 52% des cas, ce délai est inférieur ou égal à 2 semaines. »
« 2/3 des équipements délivrés entre le 11 mai et la 3e semaine de juin l’ont été sur la base de prescriptions émises après le 11 mai »
Même constat chez un acteur du tiers-payant qui traite environ un tiers des PEC du marché : 2/3 des équipements délivrés entre le 11 mai et la 3e semaine de juin l’ont été sur la base d’ordonnances prescrites après le 11 mai. Ce qui tendrait à confirmer que les porteurs passent désormais beaucoup plus vite à l’achat. Et que les prescriptions sortent en partie de nouveau des cabinets d’ophtalmologie : selon le Snof (Syndicat national des ophtalmologistes de France), mi-juin 50% des consultations étaient déjà assurées. Et compte tenu des « difficultés économiques » auxquelles s’attendent les ophtalmologistes, elles devraient s’accroître rapidement.
Et une croissance des renouvellements d’équipements directement chez l’opticien
Reste cependant le manque à combler que représentent les 2 millions d’ordonnances manquantes du confinement. Selon Carte Blanche Partenaires, dans 33% des prises en charge, le délai entre prescription et délivrance de l’équipement est de 16 semaines ou plus et l’écart par rapport à l’année dernière s’élève toujours à -23,8% de prises en charge depuis le 1er janvier.
Hausse des renouvellements en magasin
Depuis votre reprise d’activité, le nombre d’équipements délivrés sur
la base d’un renouvellement d’ordonnance en cours de validité est-il en
progression ?
Un « déficit » que peut pallier la croissance des renouvellements d’équipements directement en magasin sur la base d’ordonnances en cours de validité. Début 2020, entre 11 et 15% des porteurs y avaient recours (source : Observatoire Gallileo 2019). Mais depuis la reprise d’activité, leur nombre est en progression. 60% des opticiens répondants à notre sondage déclarent une croissance notable de ces renouvellements depuis le déconfinement, de 10 à 30% pour 76% d’entre eux. La relance actuelle passe donc nécessairement par l’ « exploitation » de toutes les possibilités offertes par le décret Opticiens de 2016. Dans l’attente d’une évolution des prérogatives des opticiens et de nouvelles délégations de tâches que pourrait préconiser le rapport de la mission Igas dont les conclusions devraient (enfin !) être publiées d’ici l’automne.
*Sondage exclusif Bien Vu réalisé du 9 au 15 juillet auprès de 250 opticiens. 52% des répondants sont des indépendants, 43% des opticiens sous enseigne et 5% des mutualistes.