Avec l’augmentation de la circulation du virus depuis la fin juillet, vous devez redoubler de prudence, comme tous les professionnels de santé visuelle, dans votre pratique (essayage de montures, prises de mesure, examen de vue, manipulation de lentilles…). Afin de vous protéger vous-mêmes, vos équipes et vos clients. Mais quels sont les liens entre système oculaire et Covid-19 ? Que sait-on à l’heure actuelle des risques de contamination par l’œil ? Bien Vu fait le point.
« Les professionnels de la vue plus exposés au risque d’infection par le Covid ? »
Oui, la conjonctivite peut être une manifestation de la maladie, le plus souvent en phase intermédiaire de l’infection, qui concernerait 10% de tous les cas hospitalisés (source : Ocular Conditions in the Age of Covid-19, juin 2020*). Dans son article Covid et conjonctive**, le Dr Serge Doan, de l’hôpital Bichat – Claude Bernard à Paris, précise : « Une conjonctivite peut être liée au Covid-19, mais c’est rare. Dans une série chinoise de 30 patients, 1 seul avait une conjonctivite avec sécrétions et présence de coronavirus en PCR sur le prélèvement conjonctival, les autres patients avaient un prélèvement négatif. » Une étude réalisée sur 216 enfants hospitalisés pour Covid-19 et publiée le 26 août par JAMA Ophthalmology*** révèle cependant que près d’un quart d’entre eux présentaient des symptômes oculaires. Outre la conjonctivite, d’autres manifestations oculaires ont été associées au virus : écoulement, photophobie, douleur oculaire, augmentation des sécrétions… Compte tenu de ces éléments, il est important pour vous de repérer ces manifestations et d’informer vos clients.
« La conjonctivite peut être le seul symptôme, précoce de surcroît, de la présence de Covid-19 »
2. L’œil est-il une porte d’entrée possible du virus ?
Effectivement, le virus « peut être présent sur la surface oculaire », reconnaît le Dr Serge Doan. « Mais pas en quantité importante, et de façon rare, essentiellement en cas de virémie majeure. » En revanche, la contamination des voies aériennes peut se faire via les voies lacrymales. « Les surfaces oculaires peuvent servir de passerelles pour la transmission en raison de la poursuite des muqueuses via le puncta, et dans le canal nasolacrymal, qui peut éventuellement délivrer le virus aux poumons et au tractus gastro-intestinal », souligne l’article Ocular Conditions in the Age of Covid-19. Pour cette raison, l’OMS (Organisation mondiale de la Santé) conseille de porter des lunettes de protection en cas de prise en charge d’un patient Covid.
3. Y a-t-il risque de transmission du virus par la surface oculaire ?
On l’a compris, l’œil pourrait être une porte d’entrée au virus. Toutefois, la question de la transmission par voie conjonctivale reste en débat. Pour le Dr Serge Doan, « l’œil n’est ni un organe cible du virus, ni un lieu de réplication virale ». En effet, les cellules de la surface oculaire semblent dépourvues du récepteur nécessaire au virus pour qu’il puisse pénétrer dans les cellules.
« Si la contamination des voies aériennes peut se faire via les voies lacrymales, l’œil n’est ni un organe cible du virus ni un lieu de réplication virale »
Il rapporte cependant un cas d’infection par voie conjonctivale chez un médecin chinois bien protégé (mais ne portant pas de lunettes de protection). Par ailleurs, la plupart des études actuelles portant sur les patients atteints de Covid montrent l’absence de traces de charge virale dans les larmes, ce qui rend extrêmement faible le risque de transmission par cette voie.
4. Contactologie et Covid
Manipuler des lentilles de contact présente-t-il un risque en période d’épidémie de Covid-19 ? Certaines informations erronées ont pu circuler depuis mi-mars sur la question. La Société française des ophtalmologistes adaptateurs de lentilles de contact (SFO-ALC) souligne que la situation sanitaire actuelle « est l’occasion de rappeler à tous les porteurs de lentilles de contact le principe de base de leur utilisation » : lavage des mains à la pose et au retrait des lentilles, quel que soit le type de renouvellement (journalier, bimensuel, mensuel…), avec de l’eau et du savon et séchées avec une serviette en papier, nettoyage minutieux des lentilles de contact pour assurer une décontamination complète au quotidien, lentilles journalières jetées après chaque utilisation, respect strict des conditions de port.
« A ces conditions, le port de lentilles de contact est un mode de correction sûr et efficace pour un grand nombre d’amétropes. »
**Covid et conjonctive : faire la part des choses, Dr Serge Doan, hôpital Bichat – Claude Bernard, Paris, Regards croisés de l’ophtalmologie, www.sfo-online.fr)
*** Ocular Manifestations and Clinical Characteristics of Children with Laboratory-confirmed Covid-19 in Wuhan, China, Nan MA, MD, Ping Li, MD, Xinghua Wang, MD, PHD et al., JAMA Ophthalmology, 26 août 2020