Si la grande majorité des magasins d’optique sont présents sur Google Business, Instagram ou encore Facebook, plutôt rares sont les opticiens à développer une communauté importante. Bien Vu a interrogé 2 opticiens qui ont fait de cette présence numérique un atout.
“Ce qui était un simple amusement au début est devenu un enjeu professionnel”
Cynthia Bisignano, 26 ans, 87 000 abonnés TikTok et opticienne salariée à Remiremont (88)
Cynthia, vous vous êtes lancée sur TikTok il y a un an. Pour quelles raisons ?
Au début, j’avais envie de parler de mon quotidien en magasin et du métier d’opticien dans toutes ses dimensions. Notamment de tout ce que les clients ne voient pas : la technique, les réparations, les montages, la taille des verres, les commandes, les démarches administratives, etc., avec des formats courts, légers, de 10 ou 20 secondes. À ma grande surprise, beaucoup de personnes se sont abonnées à mon compte, réagissant dans les commentaires, faisant part de leurs expériences chez les opticiens, de leurs problèmes de vue… Cela m’a incité à faire des vidéos plus longues, à poster régulièrement et à faire du community management, dans le sens où je réponds à mes abonnés. J’aime donner une image réaliste mais amusante de mon métier.
Comment vous organisez-vous pour la réalisation des vidéos ?
Je ne tiens pas de planning éditorial, les vidéos sont généralement liées à mon activité du jour, ou font suite à un commentaire qui m’a donné une idée. Cela me prend environ 1h, 1h30 par jour le temps de filmer, de poser ma voix off et de monter l’ensemble avec mon téléphone. Je conçois ces pastilles sur mon temps de pause déjeuner, voire le soir chez moi, en ciblant un horaire de publication autour de 13h ou le soir, après 22h30. À l’inverse, poster en plein après-midi n’est pas le moment idéal pour avoir un bon engagement.
Que tirez-vous principalement de cette activité sur les réseaux sociaux ?
Déjà, interagir avec mes abonnés m’aide à mieux comprendre les interrogations et les préoccupations des porteurs, bien au-delà de ma zone de chalandise. Je me confronte à d’autres clients, d’autres sensibilités, d’autres cas de figure. Je gagne ainsi en expérience, au moins sur un plan humain, moi qui n’ai finalement que 26 ans et 5 ans d’ancienneté en magasin. Ensuite, l’engagement de mes vidéos me permet de dégager des revenus via TikTok, parfois quelques centaines € par mo is. Autant d’argent que je mets de côté pour, un jour, peut-être, ouvrir mon propre magasin.
“Déployer une stratégie sur les réseaux sociaux a renforcé mon flux clients”
Nicolas Jaffary, 48 ans, 104 000 abonnés sur TikTok, opticien et propriétaire d’un magasin Atol, à Istres (13)
À quel moment et pourquoi avez-vous décidé de vous lancer sur les réseaux sociaux ?
Après l’acquisition de mon magasin en 2015, j’ai constaté que mon flux client était plus faible que prévu. Pour le dynamiser, j’ai tenté des opérations de communication classiques (flyers, publicité, etc.), mais cela ne marchait pas. J’ai donc misé sur les réseaux sociaux, en particulier Facebook. J’ai suivi des formations en ligne pour être opérationnel. Progressivement, ma stratégie numérique a payé, avec une augmentation non négligeable de mon flux clients. Pendant 5 ans, j’ai animé cette communauté Facebook puis, en septembre 2021, je me suis lancé sur TikTok avec une nouvelle ligne éditoriale : l’idée, c’était d’aider les gens à comprendre leur vue. Et à travers ces vidéos, je voulais mettre en évidence mes compétences en abordant des sujets qui les concernent directement : l’entretien des lunettes, les lentilles, la presbytie, les orgelets, la myopie, le recyclage des montures… Et là, ma communauté s’est développée de façon spectaculaire.
Comment vous organisez-vous pour mener de front gestion du magasin et community management ?
Quand j’ai une idée, je la note dans un bloc-notes et je tourne les 7 vidéos de la semaine suivante le samedi matin. Cela me prend 1h et il faut y ajouter 15 minutes, chaque jour, pour le montage de chaque pastille. Mais il y a aussi la gestion de ma communauté : parfois, des internautes me contactent en message privé, m’envoient des photos de leurs yeux et certains m’appellent “docteur” ! Évidemment, il n’est pas question de me prendre pour un autre et je conseille à mes interlocuteurs de prendre contact avec leur prescripteur. D’ailleurs, j’ai déjà fait appel à un ophtalmologiste présent sur TikTok, le “Docteur Eye” (Dr Ygal Boujnah, à Lyon, ndlr) pour certaines questions de santé visuelle évoquées dans mes vidéos. Bref, cette prudence est essentielle et elle valorise aussi mon métier et mon honnêteté professionnelle. Pour autant, ma présence numérique n’a pas transformé mes relations avec les prescripteurs de ma zone de chalandise… Mais je pense prouver, jour après jour, que je ne suis pas qu’un vendeur de lunettes.
Quel est l’impact sur votre magasin et sur votre activité ?
Mon flux clients a augmenté d’environ 20 à 30 %. Les porteurs qui m’ont connu sur les réseaux sociaux semblent attachés à ma personne : leur taux de transformation avoisine donc les 100 %, là où les clients habituels sont davantage “volatiles”. En outre, les porteurs venus via Facebook ne sont pas forcément ceux qui m’ont connu avec TikTok ou sur YouTube. Il est donc d’autant plus intéressant d’avoir une politique multisupports… Un point de vigilance toutefois : je dois être fidèle, dans la “vraie vie”, à mon image digitale et inversement. Ce n’est pas un problème pour moi car j’ai toujours aimé avoir ce rôle vis-à-vis de mes porteurs. Et c’est sûrement pour cela que mes vidéos fonctionnent bien : je les fais avec authenticité.
Cynthia Bisignano,
26 ans, 87 000 abonnés TikTok et
opticienne salariée à Remiremont (88)
Nicolas Jaffary,
48 ans, 104 000 abonnés sur TikTok,
opticien et propriétaire d’un magasin Atol,
à Istres (13)